La législation du portage salarial : un cadre juridique en constante évolution

Le portage salarial est une forme d’emploi atypique qui permet à un professionnel indépendant de travailler pour le compte d’une entreprise tout en bénéficiant du statut de salarié. Ce mode de travail, en plein essor, offre des avantages tant pour les entreprises que pour les travailleurs indépendants. Toutefois, il nécessite une régulation juridique adaptée et protectrice pour tous les acteurs concernés.

Le portage salarial : définition et fonctionnement

Le portage salarial est un dispositif qui permet à un professionnel indépendant (appelé « porté ») de bénéficier du statut de salarié tout en exerçant une activité pour le compte d’une entreprise cliente. Le porté est lié par un contrat de travail avec une société de portage, qui se charge de la gestion administrative et financière du contrat, ainsi que du versement des cotisations sociales.

Cette solution présente des avantages pour les deux parties : l’entreprise cliente peut recourir aux compétences d’un expert sans avoir à l’embaucher, tandis que le travailleur indépendant bénéficie de la sécurité sociale et des garanties offertes par le statut de salarié (protection contre le chômage, assurance maladie, retraite…).

L’évolution législative du portage salarial en France

Le cadre juridique du portage salarial a connu plusieurs évolutions ces dernières années en France. La loi du 25 juin 2008 relative à la modernisation du marché du travail a été la première à reconnaître et encadrer cette forme d’emploi, en prévoyant notamment la conclusion d’un accord collectif national étendu entre les organisations syndicales et patronales représentatives.

Le 1er juillet 2013, un accord national interprofessionnel (ANI) a été signé, définissant les conditions de recours au portage salarial et les garanties applicables aux salariés portés. Cet accord a été étendu par arrêté du 24 mai 2016 et est donc applicable à l’ensemble des entreprises du secteur privé non agricole.

La loi du 8 août 2016 relative au travail, à la modernisation du dialogue social et à la sécurisation des parcours professionnels (dite « loi Travail » ou « loi El Khomri ») a également apporté des modifications importantes au régime juridique du portage salarial. Elle a notamment créé un titre spécifique dédié au portage salarial dans le Code du travail (articles L1254-1 à L1254-31).

Les principales dispositions légales encadrant le portage salarial

Le Code du travail fixe les conditions de mise en œuvre du portage salarial, ainsi que les droits et obligations des parties prenantes :

  • La société de portage doit être immatriculée au registre du commerce et des sociétés, et disposer d’une garantie financière pour assurer le paiement des salaires et charges sociales.
  • Le porté doit être âgé d’au moins 16 ans, disposer d’une qualification professionnelle et être libre de tout engagement envers un employeur.
  • Le contrat conclu entre le porté et la société de portage doit être un contrat à durée déterminée (CDD) ou un contrat à durée indéterminée (CDI) avec une période d’essai, et prévoir notamment la rémunération minimale du porté, la couverture sociale et les conditions de rupture du contrat.
  • L’entreprise cliente est tenue de respecter les règles relatives à la santé et sécurité au travail, ainsi que les dispositions conventionnelles applicables aux salariés portés.

En outre, la loi Travail a instauré des garanties spécifiques pour les salariés portés :

  • La rémunération minimale du porté ne peut être inférieure à 70 % du plafond mensuel de la sécurité sociale (soit environ 2 370 € brut par mois en 2021).
  • Le porté bénéficie d’un compte personnel de formation, d’un entretien professionnel annuel et d’un bilan de compétences tous les cinq ans.
  • En cas de rupture du contrat de travail, le porté peut bénéficier des allocations chômage sous certaines conditions.

Les perspectives d’évolution législative

Afin de mieux encadrer le portage salarial et renforcer la protection des travailleurs indépendants, plusieurs pistes d’évolution législative pourraient être envisagées à l’avenir :

  • Clarifier le cadre juridique applicable aux différentes formes de travail indépendant (auto-entrepreneur, freelance, portage salarial…).
  • Rapprocher les régimes sociaux et fiscaux des travailleurs indépendants et des salariés, pour garantir un traitement équitable entre les différentes catégories de professionnels.
  • Renforcer la responsabilité des entreprises clientes en matière de santé et sécurité au travail, notamment par la mise en place d’une prévention adaptée aux risques spécifiques liés au portage salarial.

Ainsi, la législation du portage salarial est un domaine en constante évolution qui nécessite une attention particulière de la part des acteurs concernés. Il est essentiel de veiller à ce que le cadre juridique offert par le droit du travail soit adapté et protecteur pour toutes les parties prenantes, afin de garantir l’équilibre entre flexibilité et sécurité dans les relations professionnelles.